Les Feux de la Clape : distiller le Languedoc autrement avec la permaculture

24 avril 2025

La permaculture : un socle philosophique avant d’être une technique

Pour comprendre l’approche des Feux de la Clape, il faut d’abord s’attarder sur ce qu’est la permaculture. Au-delà de son étymologie (une contraction de "permanent" et "agriculture"), la permaculture repose sur un ensemble de principes éthiques et pratiques visant à créer des systèmes durables en s’inspirant des modèles naturels. Ces principes se déclinent en trois piliers fondamentaux : prendre soin de la Terre, prendre soin des gens, et partager équitablement les ressources.

Concrètement, cela peut passer par la gestion intelligente de l’eau, la création de sols vivants, la diversité des cultures, ou encore la réduction des déchets. Ces idées résonnent profondément avec l’art de la distillation, où tout est affaire de cycles, de préservation et de connexion avec le vivant.

Un terroir méditerranéen sublimé par les principes permacoles

Aux Feux de la Clape, la permaculture n’est pas un simple argument marketing. Elle est au cœur du fonctionnement de la distillerie, de la plantation des matières premières jusqu’à la sortie de chaque flacon de gin ou d’eau-de-vie. Ce territoire, dominé par le calcaire, balayé par la tramontane et caressé par le soleil, est une invitation à cultiver la diversité.

Les instigateurs de la distillerie ont choisi de travailler avec un sol vivant, sans recours aux intrants chimiques. Pour y parvenir, ils appliquent le principe de couverture permanente du sol : paillages naturels, engrais verts et cultures intercalaires (comme des légumineuses pour enrichir le sol en azote) font partie de leur quotidien. Tout cela permet de retenir l’humidité dans ces sols arides, tout en respectant les écosystèmes locaux.

Les plantes aromatiques, au cœur des recettes des spiritueux de la maison, sont plantées en association. Lavande, thym, romarin, fenouil ou encore myrte poussent en harmonie, attirant pollinisateurs et éloignant les ravageurs – une véritable mélodie végétale orchestrée par la permaculture.

Un alambic au service du zéro déchet

L’alambic en cuivre, cet outil ancestral des distillateurs, trouve une nouvelle jeunesse grâce à la vision durable des Feux de la Clape. Ici, rien ne se perd : tout se transforme. Les fruits ou plantes qui ne répondent pas aux standards visuels du marché sont intégrés dans le processus de création des spiritueux. Par exemple, les agrumes tachés mais parfaitement intacts gustativement, ou les fruits trop mûrs, sont distillés pour en extraire tout leur potentiel aromatique.

Les résidus solides issus de la distillation, comme le marc de raisin ou les parties végétales restantes, retrouvent une seconde vie grâce au compostage. Ce compost enrichit directement les sols autour de la distillerie, bouclant ainsi la boucle et renforçant la logique circulaire propre à la permaculture.

L’eau, une ressource précieuse

Au sud, là où l’eau est souvent synonyme d’or bleu, sa gestion devient un exercice d’équilibre. Les Feux de la Clape ont mis en place plusieurs systèmes ingénieux pour minimiser leur consommation. L’eau utilisée pour refroidir les serpentins de l’alambic est réutilisée en circuit fermé afin de limiter le gaspillage. Les eaux pluviales sont récupérées dans des citernes et utilisées pour l’irrigation des cultures pendant les mois les plus secs.

De plus, la distillerie s’attache à limiter l’irrigation en s’appuyant sur des plantes autochtones, adaptées aux contraintes hydriques méditerranéennes.

Une biodiversité préservée et valorisée

Un autre aspect fondamental de la permaculture à la distillerie réside dans la préservation de la biodiversité. Les haies composées d’arbustes locaux, comme les genévriers, abritent une faune riche et protègent les cultures du vent. Les bandes fleuries, implantées autour des parcelles, favorisent la venue des pollinisateurs, essentiels à la reproduction de nombreuses plantes aromatiques utilisées dans leurs recettes.

Les distillateurs sont également en contact avec d’autres producteurs de la région pour valoriser leurs surplus ou intégrer des espèces endémiques à leurs créations. Par exemple, dans leur dernier batch de gin, on retrouve des baies de poivre de Setchuan cultivé sur une micro-ferme voisine.

Créer du lien : la permaculture humaine

Mais l’approche permaculturelle des Feux de la Clape ne s’arrête pas aux cultures et à la distillation. Elle s’étend jusqu’aux relations humaines. Les distillateurs organisent régulièrement des ateliers et des rencontres pour sensibiliser le public aux enjeux environnementaux et aux pratiques durables. Ces moments fédérateurs sont comme des parenthèses suspendues, où l’on apprend autant à infuser des idées qu’à distiller des arômes.

Des partenariats ont également été mis en place avec des restaurateurs et des vignerons locaux pour co-créer des produits, renforcer les circuits courts et réduire l’empreinte carbone des transports.

Entre tradition et innovation : vers un nouveau modèle de distillation

Les Feux de la Clape prouvent qu’il est possible de mêler l’héritage artisanal de la distillation aux pratiques modernes et durables de la permaculture. Cet équilibre fragile, exigeant et ambitieux, résonne comme un écho à leur terroir : un Sud où chaque pierre, chaque herbe et chaque souffle de vent raconte une histoire.

Et si leur démarche inspire d’autres projets, ce n’est probablement qu’un début. Car après tout, la permaculture, tout comme l’art de distiller, nous enseigne une chose essentielle : prendre le temps de bien faire, toujours en harmonie avec ce qui nous entoure.

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